« Voyez ce que le fokontany a déposé pour moi ! » s’écrie Patrick. Jardinier travaillant à Ampasanimalo, le père de famille bénéficie d’un logement dans la résidence de ses patrons. Ce matin-là, un ticket a été remis à son égard : ses noms et prénoms, sa photo d’identité, son adresse exacte – en l’occurrence celle de ses patrons qui l’hébergent – une suite de numéros matricules et QR code figurent sur le ticket de couleur orange. Scanné, le QR Code ne donne pas d’information. « Andry Rajoelina m’invite à manger », commente Patrick, en riant. Le ticket émane donc du parti TGV, avec la photo du chef de parti alors candidat à sa réélection, bien en évidence. « Mais je me demande comment ils ont réussi à prendre ma photo d’identité », s’étonne le jardinier. On saura plus tard que ces informations personnelles viennent des registres du fokontany – là même où les carnets de fokontany aux couleurs du parti présidentiel, eux aussi estampillés d’un QR code, avaient fait jaser à une époque, –  qui les met à disposition d’un parti sans l’aval de la personne concernée.

A l’instar de Patrick, des centaines d’autres personnes ont reçu un ticket, avec leurs informations privées apposées dessus. « L’invitation » était pour le 14 octobre 2023, au terrain de football d’Ankatso. Patrick s’y rend, en compagnie d’amis, Iando et Caroline, curieux de voir ce qui se trame derrière ce fameux ticket orange. Iando et Caroline s’informent auprès des responsables chargés d’encadrer la foule venue en masse. « On nous explique que ces personnes viennent de 24 fokontany du deuxième arrondissement », éclaire Iando, qui a discuté avec l’un des répartiteurs des denrées. Les tickets ont été distribués à domicile par des représentants de chaque fokontany et la plupart des bénéficiaires des tickets avaient déjà reçus des aides telles que des Vatsy Tsinjo et des Tosika Fameno, apprennent Iando et Caroline.

A Andohatapenaka, Célestine, mère de famille, et son fils Johary, ont reçu, non des tickets de restauration, mais leurs cartes de membres du parti TGV. Les cartes de couleur orange affichent les informations personnelles de la mère et du fils, telles que leurs numéros de carte nationale d’identité, leurs noms et prénoms complets, leurs photos d’identité. Ils disent n’avoir donné ces informations à personne venant du parti TGV, et pourtant leurs informations privées sont clairement affichées sur les cartes. Détail curieux : la mère et le fils habitent  un certain quartier que nous garderons secret pour leur sécurité. Leurs cartes de membres – qu’ils n’avaient pas sollicitées – leur ont été remis en mains propres dans un autre quartier, où ils travaillent. Est-ce à dire que de fins limiers visent spécifiquement les « bénéficiaires » de ces fameuses cartes et ont une connaissance si fine de leurs cibles qu’ils connaissent leurs lieux de vie et leurs lieux de travail ?

Quid de la responsabilité des responsables des fokontany dans la divulgation non-autorisée de données personnelles, constituant une violation des droits fondamentaux des victimes ? Une affaire à suivre.